TELESUISSE, l'association des télévisions régionales suisses, s'oppose au projet d'ordonnance sur la nouvelle loi sur le cinéma mis en consultation. Le projet va bien au-delà des intentions de la loi : le champ d'application et la portée des nouvelles obligations sont étendus de manière disproportionnée. Par exemple, des entreprises qui n'ont aucun lien avec l'industrie cinématographique bénéficiaire de la loi seront soumises à des obligations. Il est également prévu de taxer les recettes qui n'ont aucun lien avec les contenus éligibles. Le renforcement silencieux de la loi par voie d'ordonnance affaiblirait encore davantage tous les fournisseurs de télévision privés. Cela nuirait également à l'industrie cinématographique indépendante. Une révision significative du règlement est nécessaire.
Obliger les petites entreprises ne correspond pas à l'objectif de la loi
L'objectif déclaré de la nouvelle loi était de mieux prendre en compte l'évolution de la consommation de films et d'obliger les entreprises internationales et internationales à investir dans la création cinématographique locale. Dans sa version actuelle, le règlement perd de vue cet objectif : il oblige les petites entreprises qui n'ont aucun lien avec l'industrie cinématographique :
- Il ressort des définitions du projet actuel (art. 3) que tout service de télévision et tout site web diffusant des images animées entrent dans le champ d'application de la loi sur le cinéma, même ceux qui ne diffusent pas de films éligibles. Des exceptions sont certes prévues, mais les seuils prévus ne sont pas appropriés.
- Le seuil d'exception de 2,5 millions de CHF pour les services de télévision (article 4) est trop bas et entraîne une charge disproportionnée pour les petites chaînes. Elles pourraient certes diffuser de la publicité au cinéma dans une certaine mesure, mais l'occupation ainsi effectuée de leurs espaces publicitaires, limités par la loi, entraînerait des pertes de chiffre d'affaires considérables (pour les chaînes de télévision régionales titulaires d'une concession, l'insertion de publicité est limitée à 12 minutes (art. 19 ORTV). Le seuil des services de télévision pour l'exception devrait donc être relevé à 5 millions de CHF.
- Sans justification, l'ordonnance fixe le seuil en dessous duquel les services sont exclus du champ d'application à 12 films éligibles par an ou à un film éligible par mois ( !). Si les petits services souhaitent innover et intégrer progressivement de plus en plus de films dans leur offre, ils tomberaient très vite dans le champ d'application. Il faut laisser aux petites entreprises une marge de manœuvre suffisante pour expérimenter de nouvelles offres avec des films.
La faible valeur ajoutée de cette nouvelle obligation pour l'industrie cinématographique est disproportionnée par rapport à la charge supplémentaire qu'elle représente pour ces entreprises. Nous demandons qu'il soit renoncé à de nouvelles obligations pour toutes les entreprises qui ne proposent pas de films éligibles ou qui réalisent moins de 5 millions de chiffre d'affaires ou diffusent moins de 52 films éligibles par an.
Détermination équitable du chiffre d'affaires brut déterminant
Les recettes qui n'ont aucun rapport avec les contenus imputables doivent pouvoir être déduites des recettes brutes.
Le projet de règlement limite fortement le type de films qui doivent être pris en compte par les chaînes de télévision et les fournisseurs de VOD pour les investissements. Les émissions de divertissement telles que "les talk-shows, les reality et les docu-soaps" sont explicitement exclues. Parallèlement, l'OQTF exclut la déduction des recettes provenant des émissions de divertissement de l'obligation d'investissement. Au final, les chaînes de télévision sont doublement désavantagées : leurs recettes provenant d'émissions de divertissement (et de tous les films "non imputables") doivent être soumises à l'obligation d'investissement de 4% (art. 19), sans qu'elles puissent prendre en compte les investissements dans leur production. L'article 19 prévoit certes une déduction possible des recettes brutes provenant des offres sans films imputables, mais le seuil (50%) est fixé trop haut et devrait être abaissé à 10%. De même, il manque une déduction de la part des redevances de radio et de télévision pour les émetteurs titulaires d'une concession. Il est choquant que ces chaînes doivent reverser immédiatement à l'encouragement du cinéma une part importante de leur quote-part de la redevance, qui est prévue pour la fourniture du service public régional. L'ordonnance réduirait ainsi à néant l'effet de cet important instrument d'encouragement. L'article 19 doit être adapté en conséquence.
La diffusion de publicité au cinéma n'est pas une solution douce pour les petits opérateurs
Si la publicité au cinéma absorbe tout l'espace publicitaire des chaînes, il est évident que les annonceurs se tournent vers d'autres types de médias. Les médias sociaux représentent de plus en plus une concurrence pour les médias traditionnels financés par la publicité. Ils ne sont toutefois pas concernés par la LCi et resteront libres de toute obligation étatique. Les annonceurs se tourneront donc sans aucun doute vers ces plates-formes. Résultat : peu de promotion de l'industrie cinématographique par la publicité dans les films et aucun financement pour les petites chaînes de télévision suisses. Le règlement doit donc impérativement relever les seuils d'exception.
La branche télévisuelle suisse est un partenaire important pour l'industrie cinématographique suisse. D'une manière générale, il faut tenir compte, lors de la conception de l'ordonnance, du fait que l'affaiblissement supplémentaire des chaînes de télévision privées ne peut pas aller dans le sens de la branche indépendante du cinéma suisse.
Par ailleurs, nous soutenons les revendications et les arguments de l'Association suisse des télévisions privées (VSPF).